LE QUARTIER DE LA GARE ET SES TRANSFORMATIONS (1860-1875)
L'actuel quartier de la Gare est un ensemble d'habitations et de voies de communication traversées, d'un bout à l'autre, par la rue Faidherbe. Partiellement détruit lors des bombardements d'octobre 1914, le quartier a su conserver l'esprit architectural de 1869, année durant laquelle la rue Faidherbe est percée pour faciliter l'accès à la Grand'Place depuis la nouvelle gare de voyageurs achevée deux ans plus tôt. |
I. Le quartier en 1858
En 1858, la ville de Lille possède un débarcadère de voyageurs situé approximativement à l'emplacement de l'actuelle gare Lille-Flandres. L'emplacement est exceptionnel (à l'intérieur des murs d'enceinte) mais l'accès au centre-ville et à la Grand'Place s'effectue par un dédale de rues sinueuses et souvent insalubres:
Aperçu du quartier de la gare en 1858 - © P. Mahieu (d'après un plan original de 1858)
Le voyageur arrivant à Lille en 1853 peine à joindre la Grand'Place: en empruntant la rue de Tournai (n°19), il peut tourner à gauche en direction de l'église Saint-Maurice (n°16), ou tourner à droite en empruntant la place des Reignaux, ou encore rejoindre les Ponts-de-Comines (n°8) en prenant un raccourci (relatif!) par la Petite Place de Comines (n°13). Ces dédales convergent vers le Marché aux Poissons (Minck, n°1). Une fois sur cette place, le passage des Halles débouche sur la place du Théâtre, elle-même donnant sur la Grand'Place une fois que l'on a emprunté la rue des Manneliers longeant la Bourse (n°6).
Bien plus qu'un marché ambulant, le Minck (terme flamand désignant le marché aux poissons) était reconnaissable avec sa rotonde entourée de deux étals en C. Plusieurs commerces (dépôts d'huîtres, de crustacés et de poissons frais) s'y trouvaient.
Marché aux Poissons en 1869 - Au fond, le "Trou-aux-Anguilles"
L'ancienne halle Echevinale se trouvait place du Théâtre (rectangle rouge entre les n°s 2 et 4):
Place du Théâtre et halle Echevinale (maison de gauche) en 1869 - Voûte correspond au passage des Halles menant au Minck
C'est l'ensemble de ce quartier pittoresque, à la fois fantastique et asphyxiant, superbe et vétuste, que les lillois auraient emprunté au quotidien si aucune politique urbaine de fond n'avait été envisagée. La photographie suivante montre d'ailleurs un aperçu des superbes demeures anciennes que l'on pouvait admirer sur son trajet:
Rue des Manneliers avant son élargissement (1874)
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II. Les destructions
Dès les années 1860, un vaste programme urbain est entrepris, afin de dégager un accès vers la Grand'Place depuis la gare. Si plusieurs projets ont été présentés (dont un reliant directement la gare à la Grand'Place en coupant la rue de Paris), seul celui du percement de la rue de la Gare a été retenu. Les travaux entraînent avec eux la disparition :
- du Minck, - du passage des Halles, - du Trou-aux-Anguilles, - de la rue de l'Eperon Doré, - de la rue des Douze Apôtres, - du passage des Petites Boucheries, - de la Grande Place de Comines, - de la Petite Place de Comines, - de la Cour du Cheval Blanc.
La paysage est temporairement désolant, notamment pour les lillois amoureux de ce quartier ancien et très animé, comme le montre ce cliché provenant d'un Le Blondel de 1869:
Démolitions du Minck pour laisser place à la rue de la Gare - 1869
La photographie est prise depuis le Théâtre. Au premier plan sur la droite, une maison du XVIIe siècle est encore conservée.. Le trou béant est celui occupé par la Halle Echevinale et quelques autres demeures anciennes. Au fond, alors que se dessine déjà la façade de la nouvelle Gare Lille-Flandres, le Minck et la rue des Ponts-de-Comines sont déjà quasiment rasés. Seule subsiste temporairement la rotonde du marché. On imagine déjà le tracé rectiligne qui sera emprunté par la rue de la Gare.
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III. Le nouveau quartier en 1875
En l'espace de quelques années, le quartier de la gare est métamorphosé: aux ruelles étroites succède désormais une avenue haussmannienne, large et luxueuse. Les immeubles anguleux constituent des édifices monumentaux à coupoles.
Le plan ci-dessous, à même échelle mais à vingt ans d'intervalle, nous propose un nouvel aperçu du même quartier:
Aperçu du quartier de la gare en 1875
La rue de la Gare est désormais visible: elle relie directement la nouvelle gare Lille-Flandres au Théâtre. Alors que les rues de Tournai et du Priez ont été raccourcies pour dégager la place de la Gare, l'église Saint-Maurice, elle, a été agrandie et entièrement restaurée. Le Minck et la Halle Echevinale ont entièrement disparu. La rue des Sept Sauts ainsi que la Cour des Bons Enfants, en revanche, sont toujours debout.
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Une politique nécessaire
Même si le quartier a définitivement perdu des trésors architecturaux riches en histoire, la politique d'urbanisme menée durant cette période s'avérait indispensable. Au même moment d'ailleurs, la percée de la future rue Nationale aura également entraîné la disparition de la rue de la Nef et du Marché au Verjus.
P.M |